La hausse du prix des denrées alimentaires depuis l’épidémie de Covid et plus encore depuis le début de la guerre en Ukraine est sans précédent, malgré un reflux ces dernières semaines. Les prix du blé, du maïs et du soja ont tous plus que doublé depuis début 2020. Les organisations internationales alertent sur les risques importants de famines dans les pays en développement. Ces prix élevés sont dus à un choc sur l’offre consécutif à l’arrêt des exportations d’Ukraine (5e exportateur mondial) et à la sécheresse en Europe (France 4e, Allemagne 7e) ainsi que des ruptures de chaines logistiques. D’autre part, les couts des intrants comme les engrais, les pesticides, mais également des équipements agricoles subissent la hausse des matières premières nécessaires à leur fabrication, en particulier du gaz, essentiel dans la production des engrais azotés.
La chaîne de valeur agricole, essentielle pour la biodiversité et l’emploi
- Pour préserver la biodiversité, la question principale est celle de l’utilisation des terres. Ce sujet est en train de devenir aussi important que les GES et le réchauffement climatique. Les enjeux sont complexes parce que l’agriculture à des impacts à très long terme sur l’environnement et les effets induits peuvent être lourds et découverts seulement des décennies plus tard.
- En termes d’emploi, le secteur agricole représente une faible part d’emploi direct, en particulier en Europe (moins de 2%), mais surtout la partie aval de la chaine de valeur est immense voire même difficilement quantifiable si on inclut tout l’agro-alimentaire, le transport et la distribution alimentaire.
Le cas de l’Inde, qui peut se permettre d’être un exportateur de blé (principalement vers ses voisins Pakistan et Bangladesh) malgré une population de 1,4Md d’habitants et une forte densité (3x supérieure à la Chine), est éclairant. La faible consommation de viande par habitant permet de réserver plus de blé à la consommation humaine tandis que la part des récoltes nécessaire à la nutrition animale monte jusqu’à 55% dans les pays développés (40% mondialement).
Un des ressorts majeurs de l’amélioration de l’utilisation de la production céréalière réside donc dans la hausse de la productivité de la nutrition animale : nourrir autant d’animaux d’élevage avec moins de céréales. Il s’agit de diminuer la quantité de protéines végétales nécessaires à la production de protéines animales (comme le lait). Cette nécessité représente une opportunité de création de valeur substantielle tout en ayant un impact positif sur l’environnement.
Nous avons donc investi récemment dans DSM, groupe hollandais spécialiste de la nutrition qui vient de céder ses dernières activités chimiques pour fusionner avec le groupe familial suisse Firmenich, leader dans les arômes et ingrédients. Cette fusion donne naissance à un acteur mondial avec un ancrage actionnarial familial - la famille Firmenich prend 35% de l’ensemble. DSM a opéré ces dernières années une vraie transformation vers des activités à impact environnemental positif en investissant fortement dans l’innovation, notamment dans la nutrition animale. La division « Animal Nutrition & Health » produit notamment des additifs et des compléments alimentaires qui permettent de réduire significativement
Comment un indice ISR peut-il exclure Tesla ?
Tesla, leader mondial de la voiture électrique, vient d’être exclue du S&P ESG qui sélectionne les meilleurs performers ESG de chaque secteur à l’intérieur du S&P 500 selon Standard & Poors. La décision de S&P marque sans doute un tournant dans la manière d’appréhender ces sociétés. Ce qui est reproché à Tesla, c’est de se satisfaire de son objet social vertueux et de n’investir dans aucun autre aspect de l’ESG. Plusieurs histoires récentes montrent que les relations sociales y sont dégradées et la bonne gouvernance totalement inexistante. Beaucoup de fonds SFDR Art. 9 ont d’ailleurs exclu Tesla récemment pour ces raisons.
S&P est obligé d’équilibrer ces facteurs dans sa notation et de prendre en compte les efforts des sociétés dans tous les domaines de l’ESG. Elle ne s’interdit pas de donner une bonne note à Exxon avec le message suivant : si vous devez (de par votre mandat, ou par une approche best in class) investir dans les énergies fossiles et que vous voulez choisir la société avec la meilleure trajectoire et des bonnes pratiques S et G, voilà le best-in-class.
https://www.lesechos.fr/idees-debats/crible/tesla-esg-elon-musk-elon-contre-janus-1408591
Vincent Résillot - Gérant ESG
Source Les Echos - article du 21 mai 2022