Dans un contexte de tensions géopolitiques croissantes, la France cherche à renforcer sa capacité à produire rapidement du matériel militaire. Face à cet enjeu, l’industrie automobile – en surcapacité depuis plusieurs années – apparaît comme un levier industriel mobilisable. Et cette reconversion potentielle va bien au-delà des seuls constructeurs : elle concerne aussi les équipementiers et les sociétés d’ingénierie externalisée.
1. Des usines prêtes à se transformer
Plusieurs constructeurs disposent de chaînes de production très flexibles, capables de produire en grande série avec une excellente maîtrise des coûts et des délais. Certaines installations, notamment les fonderies, forges et ateliers d’usinage, peuvent être adaptées rapidement à la fabrication de composants militaires (obus, coques, éléments mécaniques). Bien que plus complexe, la transformation des lignes d’assemblage final reste possible, moyennant une réorganisation industrielle sur 1 à 2 ans.
2. Les sociétés de R&D externalisée : agilité et expertise technique
Des entreprises, déjà partenaires des industriels de l’automobile, jouent un rôle central dans la conception, la simulation, l’optimisation des flux de production et le développement de systèmes embarqués. Leur force ? Une capacité à mobiliser rapidement des centaines d’ingénieurs spécialisés, capables d’adapter des technologies civiles aux exigences de la défense, en intégrant notamment des solutions logicielles, électroniques ou robotiques.
3. Les équipementiers : des technologies à double usage
Les grands équipementiers disposent déjà de savoir-faire hautement transférables vers la défense : capteurs, caméras, radars, électronique de puissance, vision nocturne, connectivité sécurisée… Ces groupes, habitués à l’automatisation avancée et à la production en volume, pourraient produire des systèmes électroniques, mécaniques ou optiques pour véhicules militaires ou drones sans repenser totalement leurs chaînes. Face à la transition vers l’électrique et la baisse des volumes automobiles, la défense représente aussi un axe de diversification stratégique pour stabiliser leur activité.
4. Le défi des certifications militaires
Toutefois, pour intervenir dans le secteur de la défense, ces entreprises doivent obtenir des certifications spécifiques, délivrées notamment par la Direction Générale de l’Armement (DGA). Le processus est exigeant : il implique des audits de conformité, la mise en place de programmes internes rigoureux, la sécurisation des données sensibles, ainsi que la formation du personnel aux standards militaires. Bien que complexe et coûteuse à court terme, cette démarche ouvre la voie à de nouveaux marchés régulés et renforce la crédibilité industrielle des entreprises, aussi bien dans le civil que dans le militaire.
Conclusion
Mobiliser l’industrie automobile au service de la défense est une piste réaliste et prometteuse. Constructeurs et sociétés d’ingénierie forment un écosystème complet, réactif et technologiquement avancé. Avec une coordination étroite entre les acteurs publics et privés, cette filière pourrait devenir un pilier de l’économie de défense française, tout en renforçant la souveraineté industrielle du pays.
Laurent PANCE - Gérant des fonds Palatine France Small Cap & Palatine France Mid Cap